Les appareils photo « magnétiques » des années 80

Dans les années 80, avant l’avènement des appareils photo numérique tels que nous les connaissons, une technologie intéressante a vu le jour. Ce que Canon appelait les appareils photo magnétique, ce que d’autres nomment Still Video Camera. Il s’agit d’appareils photo qui se basent sur des capteurs numériques mais stockent les images sous une forme analogique. J’ai récupéré quelques modèles au fil du temps, et je vais donc vous montrer comment ça fonctionne (et le résultat).

Un peu d’histoire

Les premiers modèles datent du début des années 80, essentiellement chez Canon et Sony (avec les Mavica). L’idée, à l’époque, était d’abord de simplifier la récupération des images, la qualité ne venait qu’au second plan. En effet, un journaliste perdait souvent beaucoup de temps à développer ses photos avant de pouvoir les envoyer à son employeur, sans même prendre en compte les limitations inhérentes aux films argentiques. Le but des premiers systèmes « numériques » est donc de réduire cette attente. Sur ce point, il s’agit d’une réussite : les appareils stockent une image analogique sous la forme d’une frame vidéo sur des disquettes issues de chez Sony. Ces dernières permettent de stocker 50 images, avec la possibilité d’effacer et remplacer une image facilement, et d’accéder à une piste précise. Pour lire une photo, il suffit soit d’utiliser l’appareil lui-même, soit un lecteur dédié. Techniquement, ils lisent simplement une image en boucle, un peu comme un LaserDisc CAV en arrêt sur image. Ensuite, des dispositifs de numérisation permettent d’envoyer les images assez rapidement par téléphone à une personne à l’autre bout du monde, en quelques minutes. Un dossier sur Focus Numérique explique bien l’histoire de ces appareils.

La qualité d’image n’est évidemment pas le point fort des premiers modèles. En NTSC (USA/Japon), l’image ne dépasse pas ~640 x 480 (il s’agit d’un signal analogique, donc il faut raisonner en terme de ligne), en Europe (PAL), elle passe à 768 x 576. Il s’agit de la définition maximale du signal, qui dépend fortement de la bande passante en interne par exemple. Je n’ai pas réussi à trouver comment fonctionnent exactement les disquettes mais je suppose qu’elles contiennent une signal composite (comme les LaserDisc). A l’époque, c’est suffisant pour les événements sportifs pour une impression en vignette dans un journal, mais sans plus. Le gain de temps par rapport à un développement classique justifie la qualité d’image très moyenne. Les premiers tests, de ce que j’ai pu voir, date des jeux olympiques de 1984, avec des prototypes chez Canon.

Une disquette « Floppy Video » Canon

les premiers appareils

Durant les années 80 et le début des années nonante, les constructeurs essayent de développer cette technologie. La disquettes de Sony devient le standard de facto, avec ses 50 vues, et beaucoup de constructeurs proposent des appareils compatibles. Il existe un site dédié aux rares modèles de chez Nikon. Dans les faits, deux constructeurs essayent d’imposer cette technologie (Sony et Canon) et seul le dernier proposent des appareils pour le grand public avec un peu de succès. Si vous voulez essayer ce genre de choses en 2017, vous ne trouverez facilement que des modèles de chez Canon, tout comme les disquettes.

L’emplacement pour les disquettes d’un RC-250

La gamme professionelle de chez Canon comprend le RC-701, le RC-760 et le RC-470. Les trois sont rares et onéreux. Le premier date de 1986, il s’agit d’un modèle avec des objectifs interchangeables et il valait ~3 500 $ à l’époque. Il utilisait un capteur de 0,4 mégapixel (~490 lignes). Le RC-760 avait un capteur plus défini (0,6 Mp) et valait 5 500 $ en 1988. Enfin, le RC-460 (produit par Panasonic) avait un capteur de 0,4 Mp et valait 3 000 $. Il avait surtout l’avantage d’être compact. Dans tous les cas, la définition maximale restait limitée par l’image TV et l’intérêt venait surtout de la possibilité de transférer les images rapidement avec des appareils qui valait nettement plus que l’appareil photo lui-même (21 000 $ pour un transmetteur). En 2017, ils sont très rares et onéreux et n’ont absolument aucun intérêt pratique.

RC-251 (PAL)


RC-250 (NTSC)

La gamme grand public

Chez Canon, la gamme grand public comprend six appareils, mais il n’y en a en réalité que trois : pour chaque version, il existe une variante PAL (Europe) et une NTSC (USA/Japon). Le plus courant, le RC-250 (NTSC) / RC-251 (PAL) ressemble à une paire de jumelles high-tech. Il propose un lecteur de disquettes, un viseur et un objectif et quelques boutons. Il n’a pas d’écran LCD pour regarder les photos, mais une sortie vidéo composite (en format jack 2,5 mm) pour lire les images sur un téléviseur. Un petit écran monochrome indique quelques réglages (flash par exemple) et le nombre de photos. Vendus sous le nom ION en Europe, Xapshot aux Etats-Unis et Q-Pic au Japon, ils valaient 800 $ en 1988. Le capteur de 200 000 pixels ne dépassait pas ~300 lignes en pratique, mais c’était suffisant pour obtenir une image correcte sur un téléviseur.

Un RC-250 blanc


Un RC-250 blanc


Un RC-251 (ION)


Un RC-250


RC-250 (Xapshot)

Le RC-260 (PAL) / RC-360 (NTSC) est un peu plus gros et son capteur un peu plus défini (~230 000 pixels). Il valait 1 600 $ et offrait quelques options en plus en 1990. Enfin, le RC-560 (PAL) / RC-570 (NTSC) date de 1992, ajoute un zoom 3x et un capteur de 410 000 pixels, mais explose le prix : ~3 500 $.

Le RC-260 (ION)


Le RC-260 place les disquettes sous l’appareil

Actuellement, j’ai cinq modèles de la première génération (deux RC-250 noirs, un RC-250 blanc, deux RC-251 noirs), un RC-260 et un RC-560 qui ne fonctionne pas.

Récupérer les photos

La récupération des images a été mon principal problème. Si vous avez des photos, la solution la plus simple consiste à passer par le site de Roger Garpenholm, qui propose un service payant dédié à ces appareils. Si vous voulez tenter vous-même, c’est un peu compliqué.

Premier point à prendre en compte, les batteries au plomb des appareils ne tiennent pas dans le temps. Canon avait prévu le problème (en partie à cause de l’autonomie déplorable des appareils) et il existe des « coupleurs » pour les appareils. Il s’agit d’un petit boîtier qui se fixe au chargeur et qui propose une fausse batterie à placer dans l’appareil. Attention, les RC-250/251 n’utilisent pas le même coupleur que les RC-260/360/560/570, même si les chargeurs sont identiques. N’achetez pas un appareil sans coupleur (ou sans en avoir un).

Deuxième point, la sortie vidéo et les normes. En théorie, il suffit de prendre la sortie vidéo de l’appareil et la relier à un téléviseur (ou une carte d’acquisition) pour obtenir une image. Dans mon cas, je n’ai pas réussi à le faire avec mes RC-25x. Impossible d’obtenir une image, alors même que les appareils fonctionnent et enregistrent parfaitement les clichés sur les disquettes. Sur les RC-25x, vous pouvez soit utiliser un câble jack (2,5 mm) vers composite, soit utiliser la sortie composite du coupleur. Avec mon RC-260, la sortie de l’appareil fonctionne, mais – bizarrement – pas celle du coupleur. Dans tous les cas, évitez les sorties RF, disponibles avec certains coupleurs : le principe du RF consiste à moduler le signal composite, ce qui implique des pertes. Même chose, la sortie S-Video présente sur certains coupleurs n’a a priori pas d’intérêt, le signal composite étant séparé au niveau du coupleur.

Dernier point, l’acquisition. Il existe deux solutions intéressantes mais difficiles à mettre en oeuvre : un lecteur de disquettes (rare) ou une carte d’acquisition. Lancée par Canon dans les années 80, elle utilise une interface ISA et permet de ce que j’ai compris de récupérer l’image en fonction du capteur (donc en définition plus ou moins native). Dans mon cas, j’ai juste relié la sortie d’un appareil à une carte d’acquisition USB. Mon premier essai passait par une carte Elgato Video Capture, avec un résultat franchement médiocre. Mon second essai, avec un Elgato EyeTV 250+ qui contient un TBC et un encodeur MPEG2 offre un résultat bien meilleur. Si vous avez le choix, je vous conseille donc de tester (la Video Capture offre un résultat tout à fait correct avec d’autres sources).

Un (gros) soucis de qualité

Enfin, attention à la norme des appareils. Les appareils PAL ne lisent que les images issues des appareils PAL (même chose pour les NTSC) mais les disquettes peuvent contenir du NTSC ou du PAL (ou les deux).

Les accessoires

Canon avait pas mal d’accessoires. En dehors des disquettes (forcément), on trouve des coupleurs, des émetteurs RF, un adaptateur pour prendre des films en photos (peu d’intérêt), une carte d’acquisition pour PC, divers câbles (Péritel, composite, etc.), une batterie externe qui accepte des piles AA (ça me servirait…) et quelques objectifs. Plus exactement, des sortes de lentilles à placer sur les appareils pour modifier la focale : un « tele » pour le RC-25x et le RC-260 et un « wide » pour le RC-260 (au moins).

Le complément « tele » des RC-25x


Les compléments du RC-260

Quelques essais

A l’usage, premier point : ce n’est pas très rapide et bruyant. Les appareils analysent la disquette au démarrage pour se caler sur la dernière position libre, ce qui peut prendre du temps. Le temps d’enregistrement, lui, reste correct, mais le flash prend pas mal de temps à se charger sur les RC-25x. Un mode macro existe, et il se signale par un petit insert rouge dans le viseur. Quelques astuces si comme moi vous utilisez plusieurs appareils : ne mélangez pas les disquettes entre les appareils, les 25x et 260 n’apprécient pas et peuvent poser des soucis pour identifier les clichés, surtout si c’est le 260 qui « commence » les photos. Autre astuce, le RC-260 (et le 560) contient une batterie d’appoint, qui doit être chargée. Il s’agit d’une batterie CR-2032 (pile bouton) à remplacer dans la majorité des cas en 2017.

La première série comprend des photos en intérieur, avec le RC-260 et le RC-251. On voit bien que le RC-260 donne des résultats un poil meilleur.

RC-251 en mode macro


RC-251 en mode normal


RC-251 avec le complément « tele »


RC-260 en mode macro


RC-260 en mode normal


RC-260 avec le complément « tele »


RC-260 avec le complément « wide »

j’ai aussi pris quelques photos en extérieur, mais sans batterie ce n’est pas très pratique.

RC-251


RC-251 avec le complément « tele »


RC-260


RC-260 avec complément « wide »


RC-260 avec complément « tele »

Je vous mets aussi quelques images récupérées sur les disquettes des anciens propriétaires, c’est toujours amusant d’aller dans le passé.

Dans un magasin de photos


Des vacances


Des vacances


Des vacances


Des vacances


Des vacances


Des toits

Pour conclure

La technologie a rapidement été balayée par les appareils numériques, même si les premiers modèles ne pouvaient stocker que peu de photos, alors que les modèles StiVi (Still Video) atteignaient 50 photos par disquettes. Si vous avez des accessoires (ou un appareil NTSC fonctionnel), ça m’intéresse pour la collection, et pour vérifier le contenu de mes disquettes.