Dans les années nonante, Apple avait investi dans une société pour développer un processeur PowerPC extrêmement rapide, le X704. Mais ce plan a tourné à la débâcle assez rapidement et le X704 a été oublié (ou presque). Voici son histoire.
Le PowerPC X704 a été créé par une société détenue en partie par Apple (Exponential Technologies) et il visait à atteindre de très hautes fréquences pour l’époque. En octobre 1996, la société annonçait un X704 à 533 MHz, quand les meilleurs x86 de l’époque (Pentium ou Pentium Pro) ne dépassait pas 200 MHz. En pratique, le processeur avait une architecture plutôt étonnante pour l’époque : 2,7 millions de transistors (plutôt de l’ordre d’un PowerPC 603 que d’un 604, donc), une gravure en 500 nm et un die assez gros (150 mm2). A la même époque, un 603e avec à peu près le même nombre de transistors mesurait 98 mm2 dans cette finesse de gravure, et les processeurs en 350 nm existaient. La technologie utilisée, le BiCMOS, permettait de monter en fréquence mais avait le (gros) défaut de consommer énormément. Il s’agit du principal problème du X704 : une consommation énorme (pour les années nonante) d’environ 85 W. En comparaison, un 604 considéré comme gourmand demandait moins de 20 W et le futur G3 (sorti en 1997) se contentait de 5 W à 250 MHz.
En plus d’une consommation hors-normes, et assez constante (contrairement à nos puces actuelles), le X704 avait une architecture interne particulière : seulement 4 ko de cache de niveau 1 (2 + 2 ko), un cache de niveau 2 interne de 32 ko et enfin un cache de niveau 3 externe, sur la carte mère. Ce dernier avait une taille variable (la norme variait entre 512 et 2 048 Ko à l’époque) mais un débit assez faible, lié au bus utilisé. Comme le X704 utilisait le même bus 60x que les autres PowerPC, le cache tournait au maximum à 100 Hz sur un bus 64 bits partagé avec la RAM. En comparaison, les 603e et 604 possédaient 32 et 64 ko (respectivement) de cache L1, avec une L2 externe, et le G3 intégrait 64 ko de L1 et jusqu’à 1 Mo de L2 sur un bus dédié, avec une fréquence assez élevée (généralement la moitié de celle du CPU).
De ce que j’ai pu trouver, Motorola prenait ce concurrent au sérieux : le PowerPC 750, alias G3, porte a priori ce nom pour faire mieux que le X704. Pourtant, le 750 est une évolution du 603, l’entrée de gamme de l’époque. Mais le X704 n’a jamais vraiment inquiété Motorola : annoncé à 533 MHz en octobre 1996, il arrive réellement à un peu plus de 400 MHz (410) au premier trimestre 1997. Et en pratique, le 604e à 350 MHz l’éclate dans les grandes largeurs dans les tests, et le PowerPC 750 (G3) à 250 MHz arrive à peu près à son niveau… avec une consommation de seulement 5 W. Le cas du G3 est un peu particulier, vu que le processeur a été pensé littéralement pour Mac OS, mais il montre bien le problème du X704, les concessions faites pour monter en fréquence (comme la mémoire cache réduite) ont un impact direct sur les performances dans les usages réels (et pas tellement dans les benchmarks, d’ailleurs).
Point intéressant, Apple avait montré une machine à base de X704 à la MacWorld Expo de janvier 1997. La comparaison était effectuée entre un X704 entre 400 et 450 MHz, avec un Pentium Pro 200 MHz en face. Visiblement, le X704 était monté dans une tour Apple (peut-être un Power Mac 9500). Cet article parle d’un refroidissement liquide pour le X704, ce qui semblerait logique pour l’époque au vu de la consommation. A priori il était assez simple de remplacer la carte processeur d’un modèle équipée d’un 604e par un X704, grâce au bus commun.
Dans la pratique, Apple a abandonné rapidement Exponential Technologies. Les premiers exemplaires arrivent en février 1997, et Apple abandonne la société dès mars de la même année, en voyant ce qu’allaient proposer le PowerPC 604e d’IBM et le PowerPC 750 de Motorola. Exponential se rapproche des fabricants de clones, mais Apple empêche en partie ces derniers d’utiliser le X704 pour ne pas que les clones se retrouvent avec des CPU plus rapides que les Mac. En avril 1997, Apple abandonne tous ses contrats avec Exponential, et en mai, Exponential abandonne sa R&D. Enfin, en septembre 1997, S3 rachète les brevets de la marque, qui seront partagés avec Intel.
Après, ça m’amuserait de tester ce genre de processeurs. De ce que j’ai trouvé, Exponential a en fabriqué quelques milliers tout de même, mais je n’ai jamais vu de machines équipées. Techniquement, Mac OS doit fonctionner dessus (peut-être avec une version spécifique, ceci dit) vu que des machines circulaient en 1997.