Les bipeurs Tatoo de France Telecom fonctionnent encore en 2025

Vous connaissez probablement les bipeurs pour deux raisons : soit parce que vous regardez des séries dans des hôpitaux, soit parce que vous avez suivi l’actualité, avec Israël qui a assassiné des membres du Hezbollah en les sabotant et en les faisant exploser. Mais saviez-vous que les Tatoo, les bipeurs des années nonante de France Telecom, fonctionnaient encore ?

L’idée m’est venue d’une actu d’iGeneration : la société qui gère les Tatoo a obtenu de l’ARCEP la prolongation de l’autorisation d’utiliser la bande des 450 MHz pour ses bipeurs, jusqu’à la fin de l’année 2030. C’est France Telecom (Orange) qui a lancé les Tatoo en 1995, mais l’opérateur a revendu cette activité en 2000, quand les SMS et les GSM ont pris le pas sur les bipeurs. Et en 2001 (après un rachat intermédiaire), la société allemande e*Message a racheté le tout. La technologie est restée la même (le POCSAG) et – surtout – il est toujours possible d’utiliser les appareils de l’époque et de les réactiver si vous en achetez un sur leboncoin (comme moi). Le site tatoo.fr existe d’ailleurs encore et un sujet sur le forum lafibre.info donne quelques infos. Pour information, les Tam-Tam ne fonctionnent pas, ils utilisent une autre technologie.

Le Tatoo

Réactiver un Tatoo

Pour utiliser un Tatoo en 2025, vous aurez besoin d’un Tatoo ou de n’importe quel récepteur POCSAG, réglé sur une fréquence de l’ordre de 466 MHz (466,025, 466,050, 466,075, 466,175, 466,20625, 466,23125). La valeur est normalement indiquée sur l’appareil oui-même et c’est important : il existe de nombreuses autres fréquences en fonction des réseaux. Les bipeurs sont encore employés par les services de secours dans certains pays, il existe des bandes pour les radio-amateurs (en Allemagne notamment), etc. Normalement, si c’est un Tatoo de France Telecom, ça doit être bon.

Ensuite, vous aurez aussi besoin de son numéro ARP, composé de 10 chiffres. Il est normalement présenté sous la forme xx yyyyyyy z. C’est l’identifiant du récepteur, qui va lui permettre de réceptionner les messages qui lui sont adressés. Il est normalement présent sur l’étiquette de l’appareil.

J’ai modifié l’ARP et effacé le numéro de série.

La partie suivante est un peu plus compliquée. Vous aurez besoin du nom et de l’adresse de l’ancien propriétaire(et idéalement du numéro de téléphone lié), si ce n’est pas vous. J’ai acheté le mien sur leboncoin et j’ai donc dû demander les informations au vendeur, qui a heureusement accepté. Ensuite, il faut appeler le 08 36 60 20 20 avec les informations, pour que la société e*Message vous attribue un numéro. Elle va vous demander votre nom et votre adresse, car la France est divisée en différentes zones et les messages ne sont transmis que dans la zone où doit se trouver votre bipeur. Attention, c’est un numéro surtaxé et il n’est pas accessible de tous les opérateurs (selon les retours). Dans mon cas, entre deux appels qui n’ont pas été pris et deux autres parce que je n’avais pas les informations nécessaires, ça m’a coûté un peu plus de 6 € pour activer le Tatoo.

Ensuite, il devrait fonctionner quelques minutes après les réglages effectués avec le service client.

Envoyer des messages

L’envoi de messages est un peu particulier. Mon bipeur, un Motorola Bravo, est uniquement numérique (il existe des modèles qui acceptent du texte). Pour envoyer un message, il faut appeler le numéro du bipeur et ensuite taper (sur le clavier) le code à envoyer. Si le bipeur est allumé, il va recevoir le message plus ou moins instantanément. Attention, si vous êtes dans une zone qui n’est pas couverte ou si vous n’êtes pas dans la zone assignée à votre bipeur, ça ne fonctionnera pas. Même chose s’il est éteint. Les Tatoo sont uniquement des récepteurs et le réseau ne garde pas les messages comme pour les SMS.

J’ai enregistré la sortie de mon iPhone pendant un appel, ce qui m’a permis de me rendre compte d’un truc : c’est un serveur qui utilise les fréquences vocales pour encoder le message à envoyer. Comme mon enregistrement implique un peu d’écho (j’ai juste utilisé un USB-C vers jack, vers l’entrée de mon Mac), certains chiffres sont encodés en double, on l’entend dans le message.

Quand le bipeur reçoit un message, il fait pas mal de bruit et on peu ensuite lire le message, horodaté. Attention, il vaut mieux mettre le bipeur à l’heure correctement, il ne récupère pas l’heure sur le réseau.

Un exemple de message idiot.

Maintenant, la douloureuse : le prix. Chez Free, c’est 3,49 € par appel (page 33). Chez Orange, je n’ai pas trouvé, mais mes quelques essais semblent me montrer que c’est inclus dans mon forfait Sosh. Chez SFR, c’est 2 € (page 59). Chez Bouygues Telecom (page 22), ce n’est pas très clair pour moi, mais c’est 2 € depuis une BBox. Enfin, vous l’avez compris, c’est cher.

Sur mon offre Sosh

Si ça vous amuse, voici le numéro de mon bipeur : 0657664608.

Je ne suis pas un…

Le bipeur

Mon modèle est un Motorola Bravo, et le manuel se trouve en ligne. Le fonctionnement est très simple. On a besoin d’un pile pour l’alimenter, il a un interrupteur pour l’allumer en mode vibreur ou en mode sonnerie, et deux boutons pour l’interface. La première chose à faire est de fixer l’heure. Quand on reçoit un message, il suffit de presser le bouton de droite pour voir le message, puis l’heure, puis le suivant, etc. Le bouton de gauche permet de mettre un cadenas sur un message, ce qui l’enregistre dans l’appareil : il ne sera pas effacé quand on efface tous les messages. Dans l’ensemble, c’est basique et l’appareil semble solide. Le mien a pas loin de 30 ans, d’ailleurs : la date de fin de garantie est fin 1997, donc il date de fin 1996, a priori.

Il s’accroche à une ceinture

Envoyer des messages avec un Raspberry Pi

Si vous n’avez pas envie de passer un coup de téléphone, il existe une solution : un Raspberry Pi. Il suffit d’un modèle avec des GPIO, un câble Dupont sur la broche GPIO4 et un petit programme. Je suis parti de cet article, et j’ai testé avec un Raspberry Pi 2 (1.2). Sans trop détailler, il faut installer rpitx, ce qui a pris un peu de temps sur mon vieux Raspberry Pi.

Je suis…

Une fois que c’est fait, l’envoi est assez simple. Vous aurez besoin de sa fréquence (encore) et de son CAP code. Si vous remontez plus haut, c’est assez simple : vous prenez l’ARP et il s’agit des 7 chiffres du milieu (il faut enlever les deux premiers et le dernier). Ensuite, la commande est assez simple. On a donc le numéro CAP (1234567), le message en numérique ou en alphanumérique (58008), la fréquence en Hz (466050000) et les paramètres de communication. Le -n à la fin est important si vous avez un modèle numérique, pour forcer le bon mode. Sur un modèle alphanumérique, vous pouvez le supprimer.

printf '1234567:58008' | sudo ./pocsag -f "466050000" -t 1 -r 1200 -b 3 -n

C’est plutôt simple et efficace, mais c’est a priori illégal. On est un peu dans le même cas que pour les émetteurs FM : les fréquences employées sont allouées à e*Message et donc il ne faut pas les brouiller. Et même si la portée est plutôt faible (de l’ordre d’une dizaine de mètres), vous risquez tout de même éventuellement quelqu’un de recevoir un message.

Dans tous les cas, ça m’a amusé parce que je n’ai pas eu de sémaphone pendant ma jeunesse en Belgique dans les années nonante.