En 2025, Apple n’a plus trop de problèmes d’approvisionnement, et la majorité des Mac sont disponibles quelques jours après l’annonce (ce qui n’est pas le cas de tous les produits). Mais à la fin des années nonante, la marque a effectué un mouvement qui amènerait probablement un énorme scandale avec les réseaux sociaux à notre époque : elle a décidé de baisser la fréquence des Power Mac G4 sans réduire le prix pour ceux qui avaient précommandé un Mac.
Un peu de contexte : nous sommes à l’été 1999, AMD vend des Athlon à 650 MHz, Intel des Pentium III à 600 MHz et Apple vend au mieux des PowerPC G3 à 450 MHz. Les G3 sont efficaces, mais la différence de fréquence se fait tout de même bien sentir. Le 31 août 1999, la marque annonce donc les premiers Power Mac G4 — le communiqué parle de Power Mac, mais les cartons affichent bien Power Macintosh —, avec trois modèles. Le premier se base sur la carte mère du Power Mac G3, avec une fréquence de 400 MHz (moins que le plus rapide des G3), les deux autres sur une carte mère de nouvelle génération avec un processeur à 450 ou 500 MHz. Déjà à l’époque, les rumeurs bruissent : Apple avait bien prévu à l’origine d’atteindre 450 MHz sur le Power Mac G4 Yikes! (qui reprend la carte mère du G3). Dans le communiqué de l’époque, le premier modèle est annoncé comme disponible, celui à 450 MHz est attendu en septembre et le modèle le plus rapide annoncé pour octobre 1999.
Sauf que rien ne va se passer correctement. Motorola, qui produit les PowerPC G4, n’arrive pas à produire en masse la puce, et le rendement sur le modèle à 500 MHz est visiblement (très) faible. Les commandes de Power Mac G4 sont retardées et Apple ne livre pas de Power Mac G4 immédiatement : la version à 400 MHz n’est proposée que fin septembre 1999. Il y a officiellement 150 000 précommandes à l’époque (au 20 septembre) mais les machines tardent. Selon Apple Insider, Motorola n’avait tout simplement pas une production suffisante pour les machines d’Apple et la société avait bien été prévenue en amont… sans pour autant retarder l’annonce.
Le 13 octobre 1999, il y a un communiqué d’Apple qui officialise les retards de façon assez cavalière, en mettant le problème sur le dos de Motorola. Les trois configurations perdent 50 MHz (on passe donc à 350, 400 et 450 MHz) mais restent au même prix. Pour se donner une idée, la version de base vaut 1 600 $ (3 000 $ environ avec l’inflation) avec 64 Mo de RAM, un disque dur de 10 Go et un lecteur de CD-ROM, le second est à 2 500 $ (~4 800 $) avec 128 Mo de RAM, un disque dur de 20 Go, un lecteur de DVD et un lecteur ZIP, et le dernier à 3 500 $ (~6 700 $) avec 256 Mo de RAM, un disque dur de 27 Go, un graveur de DVD-RAM et un lecteur ZIP. La version à 500 MHz, promise, est repoussée au début de l’année suivante.
Et le 18 octobre 1999, Apple émet un communiqué de presse qui peut être considéré comme un scandale : les précommandes des modèles à 400, 450 et 500 MHz ne sont pas annulées, mais les clients recevront des modèles à 350, 400 et 450 MHz au même prix, sans contrepartie. Les excuses sont légères, les justifications un peu ridicules et le constat évident : les clients recevront une machine moins rapide. Assez bizarrement, de ce que j’ai vu, les récriminations ne sont pas énormes. Bon, dixit 512 Pixels, certains ont quand même parlé de speed dump à l’époque.
Le modèle à 500 MHz arrivera plus tard
En décembre, Apple a commencé à simplifier la gamme. Le modèle à 350 MHz basé sur l’architecture PCI du Power Mac G3 est abandonné et remplacé par un modèle AGP à la même fréquence. Et en février 2000 (environ six mois après la première annonce), Apple lance finalement des Power Mac G4 avec des fréquences de 400, 450 et 500 MHz. Les prix restent identiques, les configurations évoluent peu et la seule réelle différence vient de l’abandon de la vieille architecture. Dans le monde d’en face, moins d’un mois plus tard, AMD et Intel lancent des processeurs à 1 GHz. Dans les années suivantes, les PowerPC G4 n’ont jamais réellement brillé : même si Apple aimait les comparer aux Pentium III en choisissant bien les test, la puce est restée sur des fréquences et des performances assez faibles. Il a fallu mettre plusieurs processeurs et ajouter de la mémoire cache de niveau 3 pour arriver vaguement à compenser les problèmes (dont un bus trop lent) mais le PowerPC G4 a été remplacé avantageusement par le PowerPC 970 (G5) en 2003.
Apple n’a plus osé faire de speed dump les années suivantes, mais les fréquences sont toujours restées assez conservatrices, du coup. Et en 2006, on a même eu un réel speed bump : la première génération de Mac Intel, équipée d’un processeur Core Duo, avait gagné quelques MHz au lancement. Les précommandes étaient pour des modèles à 1,66 et 1,83 GHz, Apple a livré des modèles à 1,83 et 2 GHz.
Rétrospectivement, ces machines c’était une période assez catastrophique en vente à cause de ce speed dump, mais aussi en SAV.
Ils avaient comme défauts :
– la stabilité des cartes mères « Yikes » très mauvaise (mauvaise compatibilité du contrôleur RAM, tout comme les G3 Bleu et blanc)
– les modems 56K intégrés très fragiles (à l’époque tout le monde s’en servait…)
– et ils étaient équipés de disques durs Quantum LCT qui avaient une grosse tendance à lacher les uns après les autres
(la puce contrôleur explosait avec une bonne odeur de cramé…). Heureusement on récupérait les données facilement en changeant la carte contrôleur temporairement..
– les plantages de macOS 9 avec des corruptions HFS+ sur les systèmes français (avec la suite Office qui installait une 2e version de « conversion encodage texte » en anglais, ce qui finissait par corrompre le système de fichiers… bug « the thing » pour ceux qui s’en rapellent).
Les G4 Digital Audio étaient bien meilleurs… (mais séries de disque IBM 60GXP puis 75GXP défectueuse aussi…).
les iMac G3 de 98 avaient eux des problèmes de carte analogue / vidéo (en fait la bobine « flyback » très fragile, j’en ai acheté une centaine en Pologne) et les DV avaient le même problème de disque dur Quantum LCT que les G4..
Aujourd’hui le moindre « speed dump » ferait les gros titres, et les soucis de fiabilité comme ça aussi…
Mais à l’époque les gens acceptaient un peu mieux..