Les newsletter de Bandai pour la Pippin (#1)

Dans les années nonante, au moment du lancement de la console Pippin, Bandai avait une newsletter pour les développeurs. C’est assez intéressant à lire, avec de petits détails pratiques sur le développement. Je commence par la première.

Elle a été publiée en deux parties et est disponible sur archive.org (partie 1, partie 2). C’est parfois compliqué à afficher correctement, parce que l’encodage des caractères n’est pas celui utilisé en 2025. Avec Safari, il faut faire Présentation -> Encodage du texte -> Japonais (ISO 2022-JP). Même comme ça, il manque quelques caractères, donc je suppose que c’est un encodage plus ancien.

La première newsletter a été diffusée en juillet 1995, soit plusieurs mois avant le lancement en mars 1996. On apprend que les PC se vendent plus que les fax (c’est au Japon) mais que le prix d’un PC de l’époque est généralement un problème. La Pippin devait donc être un appareil multimédia à bas prix (rien de nouveau) par Apple. Bandai (et Apple) voulaient une console qui soit capable de rivaliser avec la PlayStation ou la Jaguar, mais qui offre aussi des capacités musicales et la possibilité d’accéder à de l’information. Elle est présentée comme un nouveau concept entre la console de jeu classique et l’ordinateur personnel.

La partie sur la partie technique a peu d’intérêt, elle est connue, avec le fait que la console est un Power Macintosh et que les logiciels sont distribués sur CD-ROM. La newsletter cite quatre jeux qui ne sont jamais sortis sur la console, mais qui ont été testés tout de même : Myst, Revel Assault (la faute est d’origine), Star Trek Interactive Manual et Doom. Les trois premiers existent a priori sous la forme de disques pour les prototypes, mais je ne l’ai jamais vu pour Doom. On apprend que le nom est bien dérivé de la pomme Pippin, ce qui n’était pas un réel secret. Enfin, plus exactement, des différentes pommes qui ont ce nom (il y a beaucoup de variétés de types Pippin).

Même en 1995, Bandai avait quand même déjà bien remarqué que la console n’était pas un produit réellement efficace pour les applications bureautiques, même si la société considérait que c’était tout de même possible avec le lecteur de disquettes optionnel. L’avenir le montrera bien : il y a essentiellement des jeux et des programmes éducatifs, et assez peu de logiciels plus sérieux. La connexion à Internet est évoquée, à travers un modem GeoPort, mais c’est moins mis en avant que lors du lancement de la console en 1996. La console est présentée comme plus simple qu’un PC sous Windows 95 ou un Power Macintosh, avec moins de problèmes à gérer étant donné que les logiciels démarrent directement du CD-ROM.

Le prix attendu était de 50 000 ¥ (c’était un peu plus à la sortie) pour la Power Player de Bandai (devenue Pippin) et Apple espérait vendre des extensions de mémoire mais aussi des cartes d’extension grâce au connecteur PCI modifié placé sous la console. S’il existe bel et bien des extensions de mémoire vive, ce n’est pas le cas pour les cartes de décompression (probablement du MPEG) ou les cartes d’accélération vidéo (probablement 3D). Le connecteur est essentiellement utilisé pour le lecteur de disquettes et celui de cartouches MO. Apple espérait garder la console à flot plusieurs années, mais le marché en a décidé autrement.

Dans les questions à la fin de la première partie, on voit qu’Apple expliquait bien que la console n’est pas un Macintosh et qu’elle ne pouvait pas en devenir un. Un passage explique que les programmes pour Pippin ne fonctionneront pas sur Macintosh, mais ce n’est pas tout à fait vrai : dans la pratique, une bonne partie des CD-ROM pour Pippin fonctionne aussi sur Macintosh, avec des adaptations minimales. On apprend surtout qu’en 1995, Apple espérait effectuer un suivi de la console dans le temps. Là encore l’avenir montre que rien n’a été fait, à cause de l’échec des ventes.

La seconde partie

La seconde partie commence par des explications sur l’idée d’Apple, qui est de licencier la technologie. C’est une méthode qui n’a jamais réellement fonctionné dans le domaine des jeux vidéo (un autre exemple est la 3DO, mais Sega l’a fait aussi un peu), mais ça permettait à Apple de ne pas (trop) assumer les coûts de distribution. Pour rappel, il n’y a que Bandai qui a suivi, et un peu Katz Media, mais en gardant essentiellement la variante de Bandai. Apple explique que d’autres sociétés étaient intéressées, mais sans les citer. Il y a une référence au CONFIG.SYS, mais elle était déjà un peu anachronique en 1995, et il y avait probablement des méthodes plus subtiles pour mettre en avant la simplicité d’utilisation de la console.

On apprend aussi qu’Apple espérait 12 titres pour la console pour Noël 1995 (elle est finalement sortie en mars 1996), que ses développeurs avaient porté 15 titres sur les prototypes (sans liste, malheureusement, seul Cyan — Myst — est cité) et que le portage depuis une version Macintosh était simple. La marque espérait que la console allait devenir une plateforme populaire rapidement, ce qui montre tout de même un peu leur aveuglement. La suite explique que les développeurs ont des coûts assez faibles et qu’Apple s’occupe de la gestion des DRM (pour la protection) et fournit le nécessaire pour les CD-ROM (système d’exploitation, etc.). La société doit aussi aider pour le marketing, mais la distribution n’est pas son domaine. De même, la fabrication des disques passe par les usines dédiées. Apple prévient tout de même que même si les API sont stables et qu’il est facile de porter un programme du Macintosh vers la Pippin, la compatibilité avec les futures consoles et les variantes que pourraient proposer d’autres sociétés sous licence n’est pas nécessairement assurée (deux cas qui ne sont jamais arrivés). Apple recommande de tester sur un Power Macintosh A/V, qui a une puissance du même ordre que la console, et la newsletter explique qu’il y a déjà des consoles de test.

Je ne sais pas si c’est du marketing ou si c’est réellement le cas, mais Apple annonce que 250 sociétés portaient de l’intérêt dans la console et qu’une centaine de titres japonais étaient prévus pour le lancement. Dans les faits, il y a une grosse centaine de titres sur la console, mais une bonne partie est arrivée après la sortie tout de même. On apprend aussi qu’Apple ne comptait pas censurer les développeurs, et la présence de quelques titres pour adultes le prouve, même s’ils ont été quand même mis un peu sous le tapis à l’époque.

Et dernier point, une petite partie technique explique que la console propose une accélération vidéo avec un double frame buffer et un affichage en 16 bits (65 000 couleurs). C’est un truc vu dans une puce pour Macintosh, la Valkyrie, qui a été exploité avec des jeux.

Si la newsletter ne m’a pas appris énormément de choses, elle reste intéressante parce qu’elle montre qu’Apple semblait vraiment croire dans la console en juillet 1995, ce qui est presque risible 30 ans plus tard.