Faire fonctionner un décodeur Canal+ Discret 11 des années 80

Après des années de recherche (pas très intensive), j’ai enfin trouvé un décodeur Canal+ Discret 11, soit le décodeur des années 80. Et je l’ai fait fonctionner.

Pour le premier sujet – je ferrais un second plus complet sur la remise en état -, je me suis concentré sur la mise en place du décodeur, pour vérifier son fonctionnement.

Mon décodeur, pas en super état mais fonctionnel

Premièrement, comment ça marche. Canal+, en 1984, utilisait le chiffrement Discret 11. Je vais parler dans la suite de crypter et décrypter, vu que c’était un peu l’usage à l’époque même si c’est sémantiquement faux. Le fonctionnement de base pour l’image va être de décaler les lignes de l’image en fonction d’un algorithme, avec trois possibilités (retard de 0, 902 et 1804 nanosecondes). Le Discret 11 utilise une clé sur 11 bits (le nom donnait un indice).

Le clavier pour taper le code

Canal+ changeait de clé tous les mois, en envoyant un code à ses abonnés. Ce code permettait de décoder l’image et dépendait du numéro de série du décodeur, présent dans la ROM. Pour éviter les problèmes avec les retards possibles pour la livraison des codes (par la poste), Canal+ utilisait un chiffrement avec une clé générique (le code audience 7) entre le dernier jour du mois à minuit et le premier lundi du mois à 9 heures. A ce moment là, n’importe quel décodeur – même sans abonnement – pouvait décoder l’image. Si vous avez une VHS enregistrée chiffrée et quelle a été enregistrée dans cette courte période, elle est donc déchiffrable. Si elle a été enregistrée à un autre moment, mais que vous avez le code, il faut le décodeur de l’époque ou changer le numéro de série d’un autre décodeur (en supposant que vous connaissez son numéro de série, ce qui est peu probable).

Le numéro de série sous le décodeur ne correspond pas au numéro de série de la ROM

Vous vous en doutez, il est donc assez peu probable de trouver une VHS déchiffrable avec n’importe quel décodeur, sans même prendre en compte la qualité déplorable des enregistrements en SECAM. Mais il y a une solution : Cryptimage.

Le programme miracle

Ce programme développé par un passionné permet de chiffrer (et déchiffrer) des vidéos. Ecrit en Java, il devrait fonctionner sous macOS… mais je n’ai pas réussi à charger une vidéo. De même, je n’ai pas réussi à chiffrer le son, il a visiblement du mal à lire le son en AAC de mes vidéos. Mais j’ai réussi – sous Windows – à chiffrer quelques vidéos. Pour que ça fonctionne, je vous conseille de choisir l’audience niveau 7, des couleurs en PAL, un seuil du blanc à 40 et une compression assez faible. De même, mieux vaut forcer une image en 720 x 576 pour simplifier les choses. Je suis parti d’un clip Hooverphonic issu d’un DVD (en PAL). Attention, pour être certain que ça fonctionne, la compression en H.264 reste assez faible (débit de 10 Mb/s, ce qui est élevé pour de la SD) donc ça fait de gros fichiers.

Audience 7



Dans un second article, je regarderais un peu plus en détail les options pour obtenir du son et pour choisir mon propre code. Le manuel est très complet et un long sujet de forum permet de discuter avec le développeur. J’ai franchement schématisé certains points ici, juste pour expliquer les bases et expliquer comment obtenir un fichier déchiffrable.

La partie technique

D’un point de vue technique, ensuite. Le décodeur ne propose qu’une seule prise Peritel, il faut donc un adaptateur avec une entrée et une sortie. Ce n’est pas une évidence : les quelques adaptateurs que j’avais à la maison ne fonctionnent que dans un sens, avec un interrupteur. J’ai donc acheté un adaptateur avec les deux prises. Pour la sortie, pas de soucis : j’ai relié la prise composite out à une carte d’acquisition et ça a fonctionné directement.

La prise Peritel


Un adaptateur complet

Maintenant, l’entrée. Dans l’idéal, il faut un appareil qui envoie un signal SECAM dans le décodeur. Sauf que les appareils un minimum moderne ne le font pas, et les transcodeurs PAL vers SECAM ne se trouvent pas si facilement, tout en proposant une qualité moyenne. En pratique, il est heureusement possible d’envoyer un signal PAL – la norme européenne sauf la France – qui est supportée par la majorité des périphériques modernes. Ca modifie un peu les couleurs, mais ça fonctionne. Deuxièmement, la source. Au départ, je comptais passer par un vieux Mac, mais ils ne sortent pas en SECAM et manquent de puissance pour lire une vidéo en H.264, même en SD. J’ai tenté un MacBook (2006) avec un adaptateur analogique, mais l’image n’est pas complète ou mal transmise. En tout cas, le décodeur ne réagit pratiquement pas, et les options de Mac OS X ne sont pas très claires. Finalement, je suis passé sur un iPhone 4 avec un adaptateur 30 broches vers composite. Avec l’iPhone, ça fonctionne, la seule contrainte est de bien rester en 4:3 et (surtout) de bien forcer le mode PAL. Un bug sur l’iPhone force en effet régulièrement (et à chaque branchement) la sortie en NTSC. A noter que j’ai testé avec un iPhone 3GS… sans succès. iTunes ne me laisse pas envoyer la vidéo parce que la définition dépasse le 640 x 480.

PAL obligatoire

Petit test

J’ai fait une vidéo pour expliquer comment ça fonctionne. L’iPhone contenant la vidéo, configuré pour sortir du PAL, envoie l’image dans le décodeur. Il faut ensuite l’allumer, presser sur la touche ent qui active le décodeur. La LED jaune clignote en attendant un code. Il faut taper un code à 8 chiffres – au hasard, le niveau d’audience 7 ne nécessite pas un code en particulier – puis presser la touche memo. La LED jaune passe au fixe et le décodeur devrait déchiffrer l’image. Si c’est bon, la LED verte s’allume. En pratique, il faut un signal PAL (ou SECAM) propre, bien cadré – le décodeur utilise certaines lignes comme référence – et sans overscan. Je suppose que d’une façon ou d’une autre, le MacBook modifie un peu l’image. Il faut surtout éviter les fonctions qui passent l’image en 16:9 ou font un zoom.

Avec l’iPhone 4 réglé correctement, le décodeur déchiffre sans soucis mes vidéos et envoie le tout dans la sortie composite vers ma carte d’acquisition. On voit encore les décalages sur le côté et il y a quelques défauts de couleurs, mais le signal PAL est décodé proprement.

Avant


Après


Avant (oui, la vidéo du samedi soir)


Après

Même si c’est inutile dans l’absolu – chiffrer un truc pour le déchiffrer ensuite – c’est assez amusant et ça permet de voir comment ça fonctionnait à l’époque. Dans un second poste, je montrerais comment gérer le son et comment modifier le numéro de série du décodeur pour générer ses propres codes.