Si on parlait du DTK ARM ?

Vous l’avez sûrement vu, Apple va passer sur un jeu d’instructions ARM à la fin de l’année. Bon, ils appellent ça « Apple Silicon » et le mot ARM n’a jamais été prononcé, mais la question ne se pose pas vraiment. Et pour accompagner la transition, il y a un DTK, une machine de développement pour tester les applications avant l’arrivée des premiers Mac ARM.

Le DTK n’est pas une première. Apple en avait sorti un en 2005 – j’en ai un sous mon bureau – et ce n’était pas le premier. Il portait en effet l’identifiant ADP2,1, donc il y a un ADP1,1. Je ne connais pas encore le nom de code du nouveau modèle.

D’un point de vue pratique, c’est un Mac mini avec des composants d’iPad et une connectique réduite, proposé pour 500 $ aux développeurs en location pendant un an. La page Apple indique un A12Z – sans plus de précisions -, 16 Go de RAM, 512 Go de SSD, du Wi-Fi 11ac, du Bluetooth 5 et de l’Ethernet 1 Gb/s. C’est assez léger sur l’USB : deux prises USB A à 5 Gb/s, deux USB-C à 10 Gb/s et une sortie HDMI 2.0. La fiche ne parle pas de prise jack, ni de Thunderbolt 3.

La partie matérielle

Vu ce qui a été annoncé – quelques ports USB, du HDMI, a priori pas de prise jack -, on part sur une carte mère d’iPad. L’absence de Thunderbolt 3 peut sembler bizarre, mais la technologie est fortement liée à Intel (les PC avec du Thunderbolt 3 et de l’AMD restent des exceptions) et je pense surtout que l’A12Z n’a tout simplement pas de lignes PCI-Express pour connecter un contrôleur externe. L’A12Z est une puce d’iPad, un SoC avec la majorité des fonctions intégrées directement, et les ingénieurs qui ont conçu la puce n’ont sûrement pas pris en compte un kit de développement éphémère et destiné aux tests. On peut d’ailleurs supposer que pour l’Ethernet, c’est un simple contrôleur interfacé en USB en interne. J’attends évidemment un démontage en règle, mais je pense qu’en interne on aura quelque chose d’assez simple.

Le principal problème, c’est que le DTK sera sûrement très différent des Mac ARM. En 2005, on a eu une énorme tour bruyante, avec un simple Pentium 4, une carte mère de PC à peine modifiée, un GPU anémique, un BIOS et une puce TPM. Les premiers Mac, eux, avaient un Core Duo (largement plus rapide que le Pentium 4), n’avaient pas de puce TPM (enfin, elle n’était pas utilisée) et un EFI. Les fonctions du DTK et son équipement ne sont pas là pour essayer de deviner à quoi va ressembler un Mac ARM. Il est là pour tester facilement si ça fonctionne.

Les performances

Pour la partie logicielle, il faut se méfier d’une chose. Premièrement, les performances du DTK n’augurent en rien les performances d’un vrai Mac ARM. D’abord, parce qu’à la fin de l’année, on aura évidemment pas un A12Z dans un Mac, mais au moins un A14. Ensuite, parce que même si Apple ne donne pas d’informations sur l’A12Z du DTK, on peut supposer que c’est assez proche de la version de l’iPad Pro, donc avec quatre coeurs rapides et quatre coeurs plus lents, ainsi que 8 Mo de cache. Mais dans un A14 destiné aux Mac, on peut espérer au moins six coeurs rapides (et sûrement huit) et plus de mémoire cache. Et même les performances de Rosetta 2 risquent d’être trompeuse : rien ne dit que le comportement du logiciel sur un A12Z est le même que sur un CPU plus rapide, qui pourrait intégrer des optimisations pour l’émulation. Avec le premier DTK, en 2005, Rosetta offrait des performances décevantes au départ et il a fallu attendre plusieurs mois pour une prise en charge de l’Altivec à l’époque.

La partie sur le NDA et les benchmarks montrent bien le problème : Apple ne veut pas que les utilisateurs lambda pensent que les puces ARM ne sont pas si extraordinaires. Même si l’A12Z reste a priori plutôt performant, c’est un SoC destiné à des iPad, avec des contraintes thermiques importantes, et je doute que le passage dans un Mac mini débride vraiment la puce.

Je ne sais pas si l’A12Z va être performant dans un Mac mini, mais je pense surtout que la question n’a pas réellement lieu d’être. Mais pourtant, on va évidemment en discuter ici, sur les sites dédiés à Apple et sur ceux qui parlent de PC. Pour se rassurer, pour voir si Apple ment, pour se moquer.

Le DTK dans le temps

Apple loue la machine, et va normalement la récupérer. En 2005, ceux qui avaient un DTK recevaient un iMac en échange, mais rien ne dit que ce sera le cas ici. Disons qu’on peut supposer que le DTK va trouver une place de choix chez les collectionneurs, et qu’il y en aura peu en circulation dans un an (et sûrement avant). De toute façon, si c’est comme pour le premier (encore), il ne devrait pas être suivi. Le DTK en Pentium 4 n’a jamais reçu les mises à jours officielles de Tiger ou Leopard, et est resté bloqué sur une version bêta de l’OS (10.4.3).