Les LaserDisc auraient pu gérer l’audio numérique… via la vidéo analogique

En cherchant un truc, je suis tombé sur une page qui expliquait que le VP-1000, le premier lecteur de LaserDisc de Pioneer, avait une sortie PCM. Du PCM ? Sur un appareil sorti en 1980 alors que les premiers lecteurs de CD datent d’octobre 1982 ? Oui.

Le truc, c’est que le son numérique en PCM ne date pas du CD. Il y a eu des solutions bien avant, ne serait-ce que – assez logiquement – pour avoir une source pour le CD lui-même. Dès la fin des années septante, en réalité, des appareils permettaient d’enregistrer en PCM, avec un standard connu sous le nom d’EIAJ STC-007. D’un point de vue technique, c’est (en NTSC) du PCM en 14 bits avec une fréquence d’échantillonage de 44,056 Hz (16 bits dans les appareils professionnels), à comparer aux 16 bits et 44 100 Hz des CD. Pour le stockage, la solution est un peu étonnante : de la vidéo composite.

Le VP-1000, un lecteur de LaserDisc de la première génération

Si vous regardez Techmoan, vous avez peut-être vu cette vidéo sur le Technics SV-P100, qui intégrait directement un lecteur de VHS. Sony avait proposé des appareils avec des cassettes U-Matic ou Betamax, avec la même solution. Mais comment ça marche ? Alors, je ne vais pas tout détailler, la vidéo qui suit le fait bien, mais voici un petit résumé. Premièrement, l’audio est encodé sous forme visuelle, dans un signal composite. Un 0 est représenté par du blanc, un 1 par du noir. La sortie est un peu modifiée : il n’y a pas de couleur et l’entièreté de l’image est utilisée. Dans un signal classique, destiné à un téléviseur, une partie du signal n’est pas exploitée réellement parce que les données sont invisibles (vblank). Mais ici, comme les données en doivent pas être affichée, tout peut être utilisé. La structure comprend les données mais aussi pas mal de corrections d’erreurs, forcément. Et dans la zone des cassettes qui contient normalement l’audio, les enregistreurs placent des données de synchronisation, qui permettent de se caler en début de piste par exemple.

Une idée de la structure d’une frame (il y en a 60 par seconde)

On en arrive aux LaserDisc. Le manuel du VP-1000 n’indique pas explicitement qu’il utilise la même technologie, mais vu l’époque et ce que raconte cette page sur la sortie en question, il y a peu de doutes.

On the VP-1000 the adapter output signal is just the demodulated video signal without blanking or drop-out compensation applied and no on-screen displays of frame, time or chapters overlaying the image – since the PCM sound was to be encoded as a black and white image, these would block data, leading to errors in decoding.

Maintenant, est-ce qu’il existe des LaserDisc qui utilisent cette solution ? Franchement, je ne sais pas trop. Sur le marché commercial, probablement pas, je n’en ai jamais vu et j’ai cherché pas mal sur LDDB. La sortie en question est rare et – surtout – on a trouvé une solution bien plus efficace pour de l’audio numérique. Dès le lecteur CLD-900 (9000 au Japon), en 1984, une piste PCM basée sur la technologie du CD est intégrée dans la norme. En NTSC (Japon/USA), elle peut être placée en parallèle de la piste analogique et les films sortent donc rapidement avec deux pistes audio. Les premiers LaserDisc avec de l’audio en PCM semblent être de la musique (fin 1984 au Japon) et des films dès 1985.

Il est possible qu’il existe aussi des LaserDisc « maison » (en tout cas pressé en petite série) avec de l’audio de ce type. Le LaserDisc Disney présenté dans ce post semble être un bon client. L’image ne montre pas réellement la structure, mais il manque de façon évidente une partie de l’image. Je pense qu’avec un VP-1000 et un décodeur PCM, on devrait pouvoir obtenir le son.


La structure ressemble

Maintenant, peut-on décoder ce type de PCM ? Oui… et non. En théorie, on pourrait faire un programme qui analyse l’image et décode le son, mais ça semble un peu tendu. D’abord parce que la structure est un peu compliquée, et ensuite parce que la majorité des sorties et des cartes d’acquisitions considère comme implicite la présence du vblank. Pour décoder manuellement l’audio, il faudrait enregistrer l’image complète (pas si évident), en monochrome (idem) et probablement avec un codec qui compresse peu/sans pertes. Si un jour je trouve un appareil, je tenterais sur quelques frames, pour voir, mais ça semble compliqué. D’ailleurs, même avec des appareils compatibles, ce n’est pas évident. Cette vidéo le montre bien : il y a des écueils. même avec un périphérique qui a une sortie numérique (ce qui reste rare à l’époque), le fait que la norme soit en 14 bits à 44 056 Hz pose des soucis, et il y a aussi un décalage à gérer, lié au fonctionnement interne. En clair, ce n’est vraiment pas simple et pas totalement sans traitements. Pour des tests, la solution la plus simple devrait être de trouver une cassette VHS de démonstration fournie avec l’appareil de Technics, éventuellement.

La cassette de démo