Sega Digio SJ-1, l’appareil photo d’un fabricant de consoles

Petit test d’un appareil photo numérique bien rétro, le Sega SJ-1 « Digio » (oui, celui des consoles). Et c’est vraiment un accessoire assez particulier, qui m’a donné pas mal de fil à retordre.

Je vais en parler dans l’ordre, en commençant par la carte mémoire. La première fois que j’ai entendu parler de cet appareil photo (façon de parler, j’ai lu, plus exactement), c’est dans les commentaires d’une page Wikipedia. En effet, le Digio a la particularité d’avoir été livré avec une carte mémoire (SmartMedia) de 512 ko (4 mégabits). Oui, il s’agit probablement de la carte mémoire avec la plus petite capacité du monde. C’est le premier problème que j’ai eu avec le Digio : impossible de lire les cartes mémoire en dehors de l’appareil. J’en ai cinq (je vais expliquer ce nombre dans la suite) et elles sont inutilisables hors du Digio.

On voit vaguement le logo Sega


0,5 MB (512 ko)

Techniquement, ce sont des cartes SmartMedia 5 V (comme le QuickTake 200) dont la compatibilité est déjà assez faible au départ, mais celles du Digio ne fonctionnent ni dans un autre appareil photo compatible (comme le QuickTake 200) ni dans un de mes lecteurs. Je n’ai pas essayé dans l’autre sens, c’est-à-dire mettre une carte d’une capacité plus grande dans le Digio, parce que les cartes SmartMedia 5 V sont rares et je ne veux pas en briquer une. D’un point de vue technique, ce n’est pas totalement une surprise : les cartes SmartMedia sont assez particulières. Alors que les cartes classiques utilisent un contrôleur pour gérer la mémoire et un protocole standardisé, les SmartMedia ne contiennent littéralement qu’une puce de mémoire flash. Le contrôleur est donc dans le lecteur et s’il ne reconnaît pas la puce ça ne fonctionne pas, ce qui explique les soucis de compatibilité avec ce type de cartes. On peut probablement dumper le contenu en lisant directement la puce, mais je n’ai pas les connaissances pour ça.

La pochette parle de Digital Film…

Pour résumer, c’est probablement la carte mémoire avec la plus petite capacité du monde (0,5 Mo). Le seul truc notable, c’est un vocabulaire qui évoque les films dans les menus, sur la documentation, etc. En 1995, date de sortie de l’appareil, ça semble logique.

Beaucoup de messages liés aux « films »




La fiabilité du Digio

Le deuxième point, qui explique le fait que j’ai cinq cartes mémoire, c’est que le Digio vieillit visiblement mal. En fait, pour ce test, j’ai acheté quatre Digio. Le premier ne s’allume tout simplement pas, le second de façon aléatoire, le troisième s’allume mais donne une erreur, le dernier fonctionne. Et il y a plusieurs points à prendre en compte. Premièrement, il suce les piles, littéralement : l’autonomie réelle se compte en petite dizaines de minutes. La marque recommande des alcalines (1,5 V) et il en faut quatre (des AA), même s’il est aussi possible de passer par un adaptateur secteur. Techniquement, il demande du 10 V (centre positif) mais en pratique, il démarre avec une alimentation de 9 V, on doit être dans la tolérance (pour les amateurs de Sega, une alimentation de Mega Drive devrait fournir le nécessaire). Deuxièmement, il a un comportement particulier : il y a un loquet devant la carte mémoire et il doit être en place pour s’allumer (même sans carte). Si ce n’est pas le cas, il ne s’allume pas, même en passant par le bouton on/off. Et troisièmement, son fonctionnement même rend le tout assez peu fiable dans l’absolu : il n’a pas réellement un viseur mais un écran interne.

Il faut bien caler la carte


Le loquet


Il faut 4 piles.

Une erreur visiblement fatale sur un des appareils

Le Digio, comment ça marche ?

Le Digio est un appareil compact mais massif, selon la façon de l’appréhender. Sur l’avant, vous trouverez l’objectif (3,5 mm équivalent 40 mm, F1.9) avec un sélecteur pour choisir entre le mode normal et le mode macro (il n’y a évidemment pas d’autofocus). La documentation indique une mise au point entre 2 cm et l’infini (c’est probablement le cas) et la molette est efficace en théorie. En pratique, dans le viseur (je vais y revenir), c’est assez laborieux. Le capteur est un modèle de 1/5″ de 0,25 mégapixel, capable de prendre des images en 320 x 240. Le logo Sega sur la face avant cache l’emplacement de la carte mémoire et son loquet.

L’avant de l’appareil.


Le démarrage

A l’arrière, il y a d’abord le viseur, particulier : ce n’est pas un viseur optique mais un écran de 0,7 pouce placé derrière une lentille. Certaines versions de l’appareil étaient livrées avec un oeilleton qui permet de viser en plaçant son oeil devant (et littéralement compter les pixels). Il en contient 103 000, et c’est probablement la même définition que la console Game Gear (160 x 144). Et pour l’anecdote, j’ai deux pixels morts dans le mien, assez visibles (un vert et un rouge). Ce viseur est vraiment bizarre : appareil éteint, vous verrez votre oeil, et appareil allumé, vous aurez l’impression d’être devant une Game Gear. Le point intéressant, c’est qu’il est possible de voir les images, mais pour le reste, c’est une mauvaise idée. Sur le haut de l’appareil, on trouve plusieurs boutons : + et - permettent de se déplacer dans les photos. Pour le bouton set, il permet de valider dans les menus. memo permet de passer dans un mode basse qualité, avec des clichés en 160 x 120 (une second pression passe sur le mode standard). Une pression longue (2 secondes) affiche un menu. Le bouton self timer de mettre un timer de 10 secondes, rec & play de passer de l’enregistrement à la lecture, power d’allumer l’appareil (logique).

L’oeilleton


Les boutons


Avec le « viseur »


Dans le viseur (littéralement)


Memo (160 x 120)


STD (on repasse en 320 x 240)


Le menu


Le timer

Sur le côté, il y a trois prises. La première, Digital, sert à la communication. C’est une prise jack 3,5 mm quatre points qui sert à relier deux appareils ou communiquer avec un ordinateur (je vais y revenir). La seconde, Video, est une sortie composite. Elle passe par un connecteur jack 2,5 mm et un câble (fourni) propose une prise RCA composite. C’est du classique, évidemment en NTSC. Enfin, une prise barrel permet l’alimentation par un adaptateur secteur. Il demande du 10 V (+ au centre) et comme dit plus haut, ça fonctionne en 9 V ou avec un adaptateur de Mega Drive.

Les prises.

Question photos, on peut stocker 18 images en 320 x 240 ou 36 images en 160 x 120, et l’enregistrement est assez lent. Avant de parler de la qualité, il faut que j’évoque la récupération des images.

Une pression sur un bouton affiche le numéro de la photo

Le mode série

Premièrement, il y a un mode que je n’ai pas testé pour des raisons évidentes : la liaison entre deux Digio. On peut en effet copier les images d’un appareil à un autre avec un câble dédié. D’une part je n’ai pas le câble (même si c’est probablement du jack 3,5 mm 4 points) et surtout, je n’ai qu’un appareil fonctionnel.

On peut relier deux appareils

Pour la liaison avec un ordinateur, c’est compliqué. Techniquement, il existe trois kits. Le premier, le HDC-3000, est prévu pour les PC, le second (HDC-3002) pour les PC et les PC japonais. Il existe un troisième (HDC-3001) pour les Mac, que j’ai trouvé mais pas encore reçu. Les adaptateurs série ne sont pas passifs : il y a un boîtier intermédiaire qui remonte les tensions pour le RS-232 (je suppose) et j’ai un HDC-3000 et un 3002 (a priori identique physiquement). Les pilotes sont sur Internet Archive, mais ils sont en japonais. C’est là que ça devient compliqué. A la base, j’ai testé dans une machine virtuelle sous Windows XP, sans succès. Le programme s’installe, mais ne se lance pas, avec une erreur liée à des DLL. Après un passage sous Windows 98 (en anglais), idem : le programme plante. J’ai donc dû télécharger une image disque de Windows 98 en japonais (l’ISO de l’OS peut servir) et les pilotes pour mon adaptateur USB vers série (à base de Prolific PL2303, un classique). Le programme fourni pour le câble HDC-3000 ne se lance pas, mais celui pour le HDC-3002 (une fois configuré en mode PC/AT), si. Je ne connais pas vraiment la raison, mais ça marche.

La boîte du kit PC


Le kit PC


La version « PC » ne se lance pas


Un USB vers série dans une machine virtuelle


Le choix du COM

Ça reste assez lent à cause du bus série : il faut ouvrir l’appareil, ce qui va charger la liste des images avec des miniatures (comptez 9 secondes avec une quinzaines d’images), puis charger l’image (6 secondes). On peut ensuite sauver en BMP ou en TIFF et faire quelques ajustements (orientation, flou, etc.). Et il faut faire les deux étapes pour chaque photo, ce qui prend du temps.

On liste


On choisir une image (D efface sans sommation)

Les photos

Franchement, c’est nul. Déjà, la visée est compliquée parce que c’est un écran mal défini et que le capteur réagit mal aux fortes lumières. Ensuite, la mise au point est compliquée dans le viseur : ça passe vaguement en macro, mais le reste du temps, c’est impossible de vérifier si c’est net. On peut juste le faire sur un téléviseur via la sortie TV. Question définition, c’est du 320 x 240, donc forcément pas très détaillé. On peut vaguement le pardonner vu l’époque, mais il y a un autre problème : les couleurs. Dès qu’il y a trop de lumières, ça part totalement vers le n’importe quoi, avec un rendu horrible. Si le soleil est visible, ça devient vite inutilisable, et en intérieur… il fait trop sombre. Les seuls vaguement utilisables sont dans un sous-bois, donc ni trop sombre… ni trop éclairé. Et le mode « Memo » est vraiment trop faible en définition pour être exploitable.

La vidéo montre le démarrage, un timer, puis un essai de mise au point via la sortie TV.

On peut regarder les photos sur l’écran (petit et mal défini), sur un téléviseur ou sur un ordinateur, après importation. C’est le second qui est le plus simple et le plus efficace : c’est vaguement correct sur un téléviseur (ici dans une carte d’acquisition en composite). Je vous mets quelques exemples (et les autres à la fin), qui montrent bien un gros problème de balance des blancs.

Une façade (en sortie TV)


La version native


La même en mode Memo


Dans la forêt (sortie TV)


En natif


En intérieur



Mon bureau


Le prix, les éditions spéciales, l’Australie

Question prix, il valait ~30 000 ¥ en 1995. C’est un peu compliqué à adapter à l’inflation (celle du Japon est différente de la nôtre) mais pour se donner une idée, une Sega Saturn valait ~45 000 ¥ et ~400 $, donc on peut estimer un prix vers les 250 $ de l’époque. L’appareil photo a été décliné en deux variantes, une aux couleurs de Virtua Fighter et une aux couleurs de Le Coq Sportif. Des rumeurs parlent de versions avec une couleur différente pour la coque, mais je n’ai pas trouvé de photos. De même, certains indiquent une compatibilité avec la Saturn, mais là encore c’est probablement une rumeur.

La boîte japonaise

Maintenant, il faut parler de la version australienne. Pas mal de pages indiquent une sortie en Australie vers 1997 mais je n’ai pas trouvé de preuves physiques (pas de photos) ni le logiciel qui est en théorie en anglais. Qui plus est, ça semble étonnant sur un point : l’Australie était un pays en PAL et l’appareil est NTSC, donc s’il existe, il est probablement un peu différent de la version japonaise.

Dernier point, il existe un appareil prévu pour fonctionner avec le Digio, la tablette Picture Magic. Ce… truc est vraiment bizarre : c’est une sortte de tablette graphique qui contient littéralement une Mega Drive et une 32X, avec un lecteur de cartes SmartMedia. L’appareil peut donc lire les images du Digio pour les afficher et les modifier, avant une impression sur une PriFun, une imprimante dotée d’une entrée composite. C’est vraiment très particulier comme appareil, donc.

Je termine évidemment par la vidéo de LGR : je vous conseille de la regarder, c’est intéressant.

On termine avec quelques autres photos (uniquement le natif).








En macro